Un sac poubelle en forme de buste de femme : la publicité du Conseil Général de la Moselle jugée par le Jury de Déontologie Publicitaire
Les Chiennes de garde saluent pour la troisième fois ce mois–ci la décision du Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) (après celles contre Numéricable et Bouscaren) qui a entendu nos arguments vendredi 11 avril dernier, face aux représentants du Conseil Général de la Moselle. Le JDP a rendu son avis suivant la recommandation 1751 du Conseil de l’Europe, datant de 2010, qui invite les états membres à « combattre les stéréotypes sexistes dans les médias », et a rappelé que « la publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet.
Cette image publicitaire parue en 4e de couverture du magazine du Conseil général de la Moselle de février 2014 a fait bondir plusieurs Mosellan–e–s, qui ont alors alerté les Chiennes de garde. Cette annonce avait été diffusée quelques semaines auparavant sous forme de deux affiches, l’une féminisée, l’autre masculinisée, dans le département, sans que les Chiennes de garde en soient tenues au courant.
Sur fond rose, quelques ordures, une peau de banane, une bouteille, un sac–poubelle noir aux liens noirs qui épouse étroitement… un buste de femme ! Et ce slogan: « Jetons mieux…Jetons moins! Avec le Conseil Général de la Moselle, adoptez le régime minceur pour vos déchets »
Le corps comme ordure
D’aucuns ont vu dans cette image de corps de femme découpé, comme dans de sordides affaires de meurtres bien réelles, d’autres, un vêtement de latex mettant en valeur les formes féminines, donc une esthétisation du meurtre des femmes par un sac poubelle ajusté, mais toutes et tous y ont vu une association du corps féminin avec des ordures. Cette image a profondément heurté de nombreuses personnes à cause de la grave dévalorisation du corps des femmes qu’elle implique.
Par ailleurs, le parallélisme avec un corps d’homme n’est pas un argument de légitimation du mauvais goût et/ou du sexisme. Et quelle originalité! L’annonce « masculine » est sur fond bleu!
Alors qu’il n’est pas interdit de penser que le décalage souhaité par les publicitaires serait justement de briser les clichés et de communiquer autrement, ceux–ci semblent accumuler les clichés sexistes. Par ailleurs, il ne suffit pas de choquer pour faire passer un message, et quel rapport entre le tri dans les poubelles et le corps humain ?
Pas un euro d’argent public pour véhiculer des stéréotypes sexistes
Cette image dégradante renforce les stéréotypes sexués et participe au climat sexiste qui légitime les discriminations et les violences faites aux femmes dans notre société et contre lequel nous luttons. Les stéréotypes sexistes sont l’un des maillons d’un système inégalitaire qu’il est du devoir de toutes et de tous, et particulièrement des institutions publiques de faire reculer. Les élu–e–s ont un devoir d’exemplarité, et, au premier plan, celui de lutter contre toute forme de violence et de discrimination. Or, financer, valider et diffuser une telle campagne de publicité va à l’encontre de ces principes. Ainsi, nous le répétons : « Pas un euro d’argent public pour véhiculer des stéréotypes sexistes ».
Les Chiennes de garde se félicitent que les stéréotypes sexistes soient de plus en plus dénoncés dans des publicités. Elles espèrent que ces décisions seront suffisamment pédagogiques pour faire réfléchir les agences et annonceurs afin qu’ils cessent d’utiliser des stéréotypes mettant à mal l’image des femmes. Les Chiennes de garde resteront vigilantes et continueront de réagir aux trop nombreuses publicités sexistes qui sont signalées par un public féminin et masculin, sensible à l’égalité femmes/hommes.
Décision du Jury de Déontologie publicitaire : http://www.jdp–pub.org/spip.php?page=historique