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Une bière nommée Sal’Hop

 

Argumentaire contre l’invitation d’un caviste « Le lâcher de Sal’hop » pour le lancement d’une bière.

Madame la présidente, madame la vice–présidente, mesdames et messieurs du jury de déontologie publicitaire, merci de me permettre une nouvelle fois de présenter les arguments d’une association féministe pour lutter contre le sexisme ordinaire soutenu par le sexisme régulier dans les publicités.

Le patron de la cave présente des arguments usés jusqu’a la corde pour se défendre de sexisme :  » Ce sonttrois copines qui ont eu l’idée du nom de la bière, la sal’hop, lors d’une soirée le mois dernier. Pendant un mois, la bière a été commercialisée sans recevoir un seul reproche. Ce sont notamment beaucoup de femmes qui l’ont achetée pour l’offrir a leur mari ou a des amies, elles trouvaient cela amusant. Cela part d’une plaisanterie, en référence au célèbre sketch de Jean–Marie Bigard.  » Ce sont des femmes qui ont choisi le nom, qui ont acheté la bière, personne n’a rien dit jusqu’a aujourd’hui, c’est de l’humour puisque c’est une référence a un sketch.

Bien évidemment, vous savez que ces arguments : humour, femmes actrices/participantes au nom et a l’achat… ne tiennent pas la route, car l’humour qui dévalorise une partie des consommateurs/consommatrices ne peut plus être recevable dans l’espace public, par ailleurs le fait que certaines femmes soient actrices du sexisme n’est malheureusement plus un argument depuis longtemps, la preuve en est que de nombreuses femmes ont réagi contre cette communication. Il y a donc bien plusieurs publics féminins.

Enfin, il est admis aujourd’hui que ce genre d’événement crée des conditions qui favorisent une forme de violence sexiste, et que le harcèlement, malheureusement dans l’actualité aujourd’hui, est conforté par ce type de communication.

Le nom mais aussi d’autres mots et des images

Par ailleurs, il n’y a pas que le nom de la bière, sur l’invitation outre le nom de la bière  » Sal’Hop « , il y a le nom de l’événement  » Le lâcher de Sal’Hop « , et cestrois silhouettes féminines qui présentent les différents types de bière (brune, blonde, rouquine (pas rousse pourquoi ? c’est un terme familier rouquine). Ces silhouettes ont des attitudes sexy (hanches, bras levés… ). Ca fait beaucoup pour une seule invitation qui ne serait pas sexiste. Les femmes sont présentées comme des objets.

 

Quand le mot se charge de sens

 » Salope  » est le mot le plus utilisé dans le harcèlement public, il a une connotation morale et sexuelle qui dénote un certain sexisme.

Le mot salope, nous indique la professeure de linguistique Laurence Rosier dans une interview pour Brut, « vient du mot ‘sale’ et puis du mot ‘hoppe’ ou ‘huppe’ qui signifie ‘petit oiseau qui pue’. Très vite, le mot [salope] s’est chargé de connotation morale ». Au–dela de sa désignation étymologique qui signifie sale, le mot cible une femme « manipulatrice ». « Au 19e siècle, le mot va se charger d’une connotation sexuelle », avec les prostituées de rue accusées de transmettre toutes les maladies vénériennes « puisqu’elles sont sales ». Dans la plupart des cultures, le mot sale et ses dérivés, avec les notions qu’ils recouvrent, tache ou ordure, avilissement ou impureté, sont associés a la sexualité humaine, et en particulier au sexe féminin

L’équivalent masculin, salop, est beaucoup moins utilisé. Salaud est en revanche plus courant : ce mot « vient aussi de sale, tout simplement » mais une nuance existe quant au jugement qui s’applique sur les personnes désignées. Salaud n’est donc pas le pendant masculin de salope puisque ce mot « est resté dans une connotation morale ». a l’inverse, salope est « connoté moralement et sexuellement ».

Il est donc inadmissible qu’un produit de grande consommation établisse sa communication sur des mots qui ramènent encore une fois a la sexualité des femmes, qui attentent a leur dignité et les rabaissent au niveau d’objets sexuels.